07/12/2009

CALANDRETAS. Le secrétaire de la Fédération des écoles bilingues déplore une situation matérielle devenue difficilement tenable pour poursuivre

CALANDRETAS. Le secrétaire de la Fédération des écoles bilingues déplore une situation matérielle devenue difficilement tenable pour poursuivre sa mission

Le compte n'est pas bon

Une langue ne chasse pas l'autre. Le bilinguisme , pour les enfants comme pour le Béarn est un atout pour l' avenir. (photo Gu illaume bonnaud)
Pour les responsables du réseau des écoles bilingues (occitan-français) Calandretas, le compte n'y sera pas, cette année encore, pour faire face aux charges des neuf écoles et du collège fonctionnant en Béarn.

Alors que le mouvement fête ses trente ans, et qu'il vient d'ouvrir une nouvelle école (antenne de Pau) à Mazères-Lezons, le secrétaire de la Fédération départementale, Jean-Loup Fricker, se dit contraint à un équilibrisme budgétaire qui touche à ses limites.

« Sud-Ouest ».

Vous dénoncez la précarité dont pâtissent les calandretas, notamment du fait d'un financement du Conseil général en retrait par rapport à vos demandes. Comment se traduit-elle concrètement ?

Jean-Loup Fricker. Dans l'immédiat par l'augmentation de la précarité, déjà grande, de notre trentaine de salariés. À terme, dès la rentrée 2010 et si la situation ne s'améliore pas, par la réduction de nos moyens pédagogiques, administratifs et d'animation culturelle. Pour éviter d'en arriver là, nous envisageons même de recourir à l'emprunt. Mais ce serait repousser le problème et hypothéquer l'avenir. Notre préoccupation, c'est d'abord les enfants et la qualité de l'enseignement. S'il faut fermer certaines classes, nous le ferons.

Pourtant, l'enveloppe du Département n'est-elle pas en augmentation, cette année encore ?

L'effort du Département est réel, il faut le souligner. Mais il ne suffit pas à couvrir nos besoins, calculés pourtant au plus juste. 60 000 ? manquaient à l'appel en 2008, exercice sauvé par la générosité des parents, sympathisants et artistes amis. Mais le dévouement et l'énergie bénévoles ont leurs limites. 30 000 euros manquent cette année. Le Conseil général comble tant bien que mal l'immense carence de l'État et la timidité de la Région en matière d'enseignement de l'occitan.

Il est du devoir des pouvoirs publics, face à l'Histoire et à l'opinion, de permettre la transmission de la langue. L'exemple du Pays basque est probant : la langue a été sauvée en quelques années, son usage se répand. Nous demandons un vrai débat au sein des collectivités publiques.

La « débrouille » est une vertu de Calandretas depuis l'origine.

Vous vous autofinancez même à 20 % (2008). Vivez-vous une crise de foi ?

Notre enthousiasme est plus fort que jamais. La population, le personnel politique, prennent enfin conscience de l'appauvrissement que représenterait la disparition de notre langue. Le président de la République lui-même exhorte la France non seulement à conserver son patrimoine linguistique mais à le faire vivre activement, évoquant « les trésors que la langue d'Oc a déposés dans notre culture nationale ». Nous le sentons bien, nous sommes à la veille d'un tournant important et nous ne relâcherons pas nos efforts.

Mais à quoi sert-il que quelque 400 écoliers apprennent dans une langue, béarnaise, dont il y a toutes les chances qu'ils doivent l'abandonner au collège ?

L'usage du français n'est pas, que je sache, en danger. Nous l'enseignons quand même, à partir du CE1. Apprendre « dans » sa langue et en immersion permet aux enfants d'acquérir un véritable bilinguisme. Chez les enfants, une langue ne chasse pas l'autre. Elles se superposent et s'enrichissent mutuellement. Le bilinguisme est bon pour nos enfants. Le bilinguisme est pour le Béarn, facteur de singularité, d'attractivité, de cohésion sociale et de dynamisme. Autant d'atouts pour l'avenir. Ajoutons que nos écoles sont laïques et gratuites, ouvertes à tous, et vous comprendrez que nous estimons remplir une mission de service public.

Si au niveau du lycée l'offre d'enseignement en occitan est déplorable, en régression, nous disposons depuis peu, grâce à l'aide du Conseil général, d'un collège Calandreta à Pau. Le Conseil général comble tant bien que mal l'immense carence de l'État et la timidité de la Région.

Justement, où en est ce collège, installé à Pau après bien des péripéties, dans une partie des locaux du collège Jean-Monnet ?

Les premiers brevets (fin de 3e) ont été passés avec grand succès cette année. Nous disposerons à partir de décembre de nos propres locaux. Le début du conventionnement avec l'État prendra effet en septembre 2010 et notre projet d'internat nous permettra bientôt d'accueillir des enfants éloignés.

Imaginez un jeune couple de parents d'élèves, sans aucune attache avec la région, ne parlant pas un mot de béarnais, etc.

Quel argument lui donnez-vous pour le convaincre de choisir le cursus Calandreta ?

C'est déjà le cas de nombreux parents qui trouvent là une façon toute naturelle de s'intégrer à la vie béarnaise. Bien que nous ne prétendions pas faire plus de miracles que d'autres filières, je leur dirais le bonheur de « vivre une école » où les parents sont impliqués dans le projet scolaire, tourné vers l'avenir de leur nouveau pays d'attache, respectant les programmes de l'Éducation nationale et proposant à leurs familles la richesse complémentaire d'une langue et d'une culture millénaires. Cette richesse, elle m'a personnellement sauté aux yeux depuis ma plus tendre enfance. À cette époque, hélas ! - j'ai 52 ans -, n'existaient pas les calandretas...

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